Total Rectall (© le Jedi Gris)

Parfois, je me dis que j’ai vraiment des goûts de chiotte en matière de ciné. Et non, je ne parle pas de ces vieux réflexes conditionnés qui me poussent envers et contre tout à aller voir des trucs comme « Blanche Neige et le Chasseur », mais bien de ce sentiment de malaise que je peux ressentir quand je lis que de façon générale, la presse trouve que « Prometheus » est un préquel honnête, que « Abraham Lincoln Chasseur de Vampires » c’est drôle donc c’est pas si mauvais que ça ou que « Total Recall » par Len Wiseman, ben ça se laisse plutôt bien regarder cette affaire là.

Sérieux ?

Vraiment ?

« Total fuckin’ Recall » de Len Wiseman ?


Ce qui est réel ce sont les 8 euros que t’aura couté ta place. Ouch.

Je suis indulgence.

Bien que je n’ai aujourd’hui pas la moindre idée de la durée de ce film (deux heures ? une heure trente ?) je peux tout de même affirmer que passé un début lénifiant et mou je ne me suis pas ennuyée devant « Total Rectall ». Comme vous pouvez le lire dans vos journaux, ça se regarde. Avec des potes, un verre à la main, tout en faisant cuire les saucisses.

Film de fin de soirée über tardive et alcoolisée, un peu comme le cadreur, qui devait en tenir une sévère vu ses grosses difficultés pour porter sa caméra.
Pauv’e chou.

Sinon, ben en tant que femme donc pas super intéressée par la marchandise, Kate Beckinsale et Jessica Biel sont tout de même super canons, voilà, ça c’était pour vous, les hommes. Et comme accessoirement Len Wiseman est le mari de Beckinsale à la ville et qu’il a l’air fifou amoureux de son épouse, il la filme comme s’il voulait immortaliser la perfection de sa chute de rein ou un truc du genre, au point que le film a été à ça de s’appeler : « Total look on my wife’s butt » => attention, n’y voyez aucun lien avec ma version du titre, directement inspiré des sentiments que je développerai dans « Je suis fiel ».

Je suis fiel.

Le petit père Wiseman, ça fait quelques films qu’on le sait incapable de réaliser un truc correctement. Très très doué, voire génial pour donner de l’esbroufe au public, il a un talent assez rare pour multiplier les plans putassiers faussement iconiques qui donnent vaguement l’impression que l’on est en train de regarder quelque chose de sympa et bien troussé alors que non. Il a en fait la preuve sur deux « Underworld » et sur un « Die Hard », le quatrième du nom, mais si, vous savez « le film qui n’existe pas ». Une légende urbaine, comme « Indiana Jones et le Crâne de Cristal ».

Sorti des ass shots sur Kate Beckinsale et des effets empruntés à sa propre filmo et tant qu’à faire celle des voisins, Wiseman se borne à livrer un produit franchement affligeant dans la forme.
Vendu comme un film d’action « Total Rectall » est un produit de seconde zone jamais à la hauteur du spectacle que le budget aurait du nous garantir et qui ne se ressent jamais à l’écran (200 millions de dollars. A ce prix-là, Wiseman aurait pu avoir Taylor Kitsch dans le rôle principal et on serait tous morts d’ennui).
Même un film comme « Blade Runner », pour rester dans les adaptations de Philip K. Dick, beaucoup plus vieux et doté d’un budget moindre arrivait à rendre crédible la cité futuriste où vivaient les héros.

Ici, j’ai toujours eu l’impression de champs étriqués au maximum, mis à part peut-être dans le final, et encore, je me demande si je n’ai pas été abusée par le fait que ça pétait de partout. Outre la mauvaise exploitation des décors, le film souffre de défauts majeurs et récurrents.
Toutes les scènes d’action sont tournées en shaky cam. Et sont floues. Dommage considérant que Wiseman s’impose des contraintes contextuelles plutôt intéressantes et velues sur le papier. Inutile de dire que son savoir-faire en matière de réalisation interdit totalement qu’il soit capable de relever ses propres défis avec brio. Deux courses poursuites molles du genou où jamais à un seul instant tu ne frisonnes, une autre dans des cages d’ascenseur durant laquelle il est possible de s’endormir (alors que bon, de base, la gestion des mouvements complexes des cages et d’une architecture tridimensionnelle, la multiplicité des assaillants, et la possibilité de faire de cette scène de combat une mise en abîme du combat du héros pour retrouver sa mémoire perdue dans les tréfonds de son esprit, tout ça pour renforcer l’ambiguïté de sa réalité, formaient un cadre prometteur dont des génies comme au hasard, les Wachowski auraient sans doute fait un sommet du genre), et surtout, et là, tu pleures, un combat en apesanteur moisi au possible, souffrant non pas du précédent que fut celui dans « Inception » (excellente, la seule vraie belle scène d’action dans un Nolan => tout va au ralenti, easy, dude) mais bien de son manque évident d’ambition : « Ohmondieu nous sommes en apesanteur, poursuivis par des droïdes ! Vite ! Propulsons nous dans le vide avec un fusil et nageons jusqu’à un compartiment, avec nos poursuivants juste derrière nous qui de toute façon ne penserons pas à ouvrir le feu pour nous abattre alors qu’on est physiquement incapables d’esquiver, se serait trop con qu’on meurt avant la fin du film, on est les héros quand même !»

Le cas d’école et la preuve ultime que Len Wiseman est une créature entre le panda et le lamantin reste le double combat dans l’ascenseur. Alors là, je suis encore sous le choc. Tandis que Kate et Jessica se catfight dans une cage d’ascenseur riquiqui, Colin Farrell se cogne, à 2cm de là et dans la même cage d’ascenseur, un droïde de combat. Quand tu as un peu de talent et que tu connais ton métier, tu te dis : « Woooooot ! Attation les mecs, là on tient une scène qui pourrait trop devenir un truc d’anthologie ! Alors on fait péter la chorégraphie, les effets et on sort la scène de baston ultime à 4 dans 2m2 !!!!!!!!1 !!! »
Dans les faits, la scène est floue, on traite chaque couple de combattants chacun à son tour, et puis on demande à Bruce, l’assistant-cadreur australien de venir filmer la scène.


Bruce, très demandé à Hollywood ces derniers temps.

Et sorti des scènes d’action, les passages dialogués sont saturés de ces foutus flares de mes deux qui envahissent l’écran MAIS LEN STOP A LA FIN ET TOI, JJ ABRAMS, MAUDIT SOIS-TU !!!

Je suis affliction.

J’ai beaucoup de mal à piger l’intérêt de « Total Rectall ». Ce film n’est ni un remake de « Total Recall » de Verhoeven, ni une adaptation plus fidèle de la nouvelle de Philip K. Dick « Souvenirs à vendre ».

Wiseman se propose, et c’est plutôt une bonne idée, de développer son propre univers en piochant dans les deux œuvres précitées, des éléments qu’il va ensuite tenter de combiner au petit bonheur la chance.

Dès le début du film, Wiseman explique au spectateur que de toute façon, il n’est qu’une grosse buse : une longue séquence animée avec une voix off nous présente le background de son univers, tout simplement parce que ce pauvre petit réalisateur est à ce point tanche qu’il ne sera pas capable de développer sa vision du futur dans sa narration. Il aurait tout aussi bien du se filmer en train de faire une présentation Power Point : « Slide 1, comme vous le voyez, on a creusé jusqu’au noyau de la Terre. Serge, envoie la deuxième slide, merci. »

Déjà à partir de là, j’avais décroché.
Ça commençait bien.
Ensuite, il y a eu la looooooongue et chiante introduction servant à présenter Douglas Quaid et le cul de sa super femme, qui chouine à longueur de journée qu’il est pauvre, qu’il veut une grand maison avec des dodermans et puis acheter des tangas en organza pour son épouse, bouhou ouinouin, ce qui ne l’empêche pas, pauvre ouvrier, de vivre dans un loft super grand pour un type sans le sou supposé habiter un monde où l’espace vital est hyper rationnalisé. La Dame décroche encore…
Aller ma grande, ressaisis-toi !!!!!

Doug va chez Rekall => le film a déjà commencé depuis quelque chose que 4h et on s’est farci 3-4 dialogues expliquant que Doug s’ennuie dans sa vie.
Dans la rue, il tombe négligemment sur la pute aux trois seins, ou sa fille, parce que celle du film de Verhoeven ne doit plus être de première jeunesse.

Là, comme ça, une fille avec 3 nibards => MAYWAT !!!!!!

Pour mémoire, dans « Total Recall », déjà, on allait sur Mars. Ici, tu peux te brosser, Martine, le sommet de l’exotisme du futur c’est Londres. Ou l’Australie. Et dans « Total Recall », il y avait des mutants. Dont la fille aux trois seins.
Alors comme dans le PowerPoint du début il disent qu’il y a eu des guerres chimiques, pitet qu’en fait, ça a provoqué des mutations sur les humains, j’en sais rien, moi, de toute façon cette fille est la seule personne un peu chelou qu’on croisera de TOUT le film, avec Bryan Cranston qui pour l’éternité sera pour moi ce patineur à roulette en combi bleue à paillette dans un épisode de « Malcolm » (le voir dans un rôle sérieux me fait toujours penser à cette scène.

Mais non ! Je suis sotte parfois => CAY UNE RAYFAYRENCE !!!

Totalement idiote et mal placée, gratuite, injustifiée, au contraire de cette grosse dame rousse dans la scène de l’aéroport qui elle s’avère marrante et fine.

Du coup, sincèrement, tu ne sais plus trop ce que tu regardes : un remake ? Une relecture ? En éjectant divers éléments substantiels du premier (Mars, surtout), Wiseman donne l’impression d’usurper le titre de son film, qu’il aurait sans doute du restreindre à ce que le sous-titre français propose : « Mémoires programmées », ce qui ne veut strictement rien dire au regard du scénario où personne ne programme la mémoire de personne, se contentant simplement de manipuler des amnésiques. Ou alors aurait-il pu oser reprendre le titre de la nouvelle, de toute façon, ça n’aurait pas pu être pire.

Je suis courroux.

Passons directement au spoil : à la fin, les gentils gagnent, Colin Farrell a du tuer le postérieur de Kate Beckinsale, et serre krékré fort Jessica Biel dans ses bras (il a pas une vie facile, je vous jure). Une scène et demie avant le cut final, il regarde un panneau publicitaire de chez Rekall. Puis Jessica lui demande : « Tu va b1 ??? XD »
« NP lol ^^ », lui répond Colin.

Et…. Cut.

‘oilà. Wiseman tue l’ambiguïté de son final. Pour ma part, le regard que jette Farrell au panneau publicitaire renvoie plus au fait que c’est par Rekall que tout a commencé.

Le fait est qu’en réalité, l’ambiguïté de la réalité de Doug est traitée plus tôt dans le film, lors de la scène de négociation. Là, je dois avouer que Wiseman s’en tire avec quelque chose de pas mal. Changement de lumière, qui devient soudain plus crue, changement dans le son, qui s’atténue brutalement, et confrontation du personnage principal à un choix, celui de continuer à vivre l’illusion, ou de revenir à la réalité.
Pas si mal foutu que cela, mais avec ce défaut d’intervenir au milieu du film, ce qui finalement atténue l’enjeu de la scène. Parce que présenter un héros qui accepter de vivre dans une illusion dès le milieu du film n’a aucun sens dans l’univers présenté.

C’est bien beau de continuer à rêver, Douggie, mais au final, il va se passer quoi ? Dans la looooongue intro, on nous bassine à moult reprises sur le fait que les boites comme Rekall provoquent des lobotomies sur certains clients. Et notre Doug, qui doit avoir un cerveau dopé aux stéroïdes, il résiste sans souci, même pas peur, je continue à vivre dans mon truc pour l’éternité, mouhahahah !

Là où « Total Recall » s’achevait par ce grand flash de lumière blanche marquant la mort cérébrale du héros, « Total Rectall » s’assoit avec beaucoup de désinvolture sur sa propre mythologie, et sans que j’ai bien compris pourquoi (sauf à considérer que Wiseman et ses scénaristes n’ont rien compris non plus, et là, c’est un peu plus grave).

Je suis conclusion.

Remake qui n’en est pas un, truc largement dispensable filmé avec les pieds par un mec sans autre ambition dans la vie que de reboot des films de réalisateurs tellement awesome que même sa cheville n’arrive pas à leur cheville, « Total Rectall » est une vaste fumisterie qui ressemble à un long cri d’amour pour le téléchargement illégal.
Sérieux, sans dépenser un centime, peinard devant votre PC, vous ne vivrez en aucun cas une expérience amoindrie devant ce téléfilm de luxe. Sauf pour ceux qui veulent absolument voir la carrosserie de Kate Beckinsale sur grand écran.

Note :

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