« Mon pilum est plus fort que ton sternum. »

Ces derniers temps, on me reproche d’écrire avec trop des mots anglais : « Ouiiiii, quand tu penses que Jacques Toubon est mort pour qu’on parle le bon français républicain et pas le langage de ces anglais impérialistes et colonialistes, tu devrais avoir honte ! »

Alors pour toi public, voici ma réaction pas du tout disproportionnée à l’annonce, l’autre jour, de la sortie de « L’Aigle de la Neuvième Légion »:

« Ohgodohgodohgod !!!!1!!!111!!! Double r4inbow so intense, a frakking f34ture movie with des hommes en jupes ! Kthxbye, God ! »

Tout de suite, sans plus de transition dans un globish mâtiné de l33t 5p34k et de références popculturisantes plus que douteuses, voici pour vous, amis, friends, compadres, la critique du dernier film « avecdeshommesenjupe » sur vos écrans :

« L’Aigle de la Neuvième Légion », qu’en VO c’est juste « The Eagle », mais vous comprenez les Français sont physiquement incapables d’aller au cinéma si le titre du film ne résume pas le scénario, sic : « Mon Père est Femme de Ménage », « Et Soudain tout le monde me manque », « Voir la mer », « Je vais bien en t’en fais pas », et le célèbre « De battre mon cœur s’est arrêté », un film bouleversant sur les dernières heures de Ben Laden.

(« Bon, elle vient cette critique ? »)

Je vous zut…


Le comité des affiches laides a encore frappé.

Réalisé par Kevin Mc Donald (« Le Dernier Roi d’Ecosse » avec Forrest Whitaker et James Mc Avoy) « The Eagle » devait, en toute logique, ressembler à tout sauf aux films que Didier, le papa de Bérengère, fait à la kermesse de l’école primaire.
Je dis bien « en toute logique » car il arrive parfois, que nous ayons des surprises… Parfois…


Oui, Russell Edgington, tout en ptéruges et en simplicité…

« The Eagle » nous conte les aventures barbares et sauvages de Marcus Aquila (ce qui veut dire « aigle » dans la langue de Jean XXIII), joué par Channing Tatum (qui çà ?) et son esclave Esca (ce qui veut dire « escalier » dans la langue de… Comment çà, çà ne passera pas cette fois ?) incarné lui par le frakking, oui, frakking Jamie Bell.

La neuvième légion disparait en Calédonie sans laisser de trace (à mon avis, elle se planque dans une villa de luxe au Pakistan, mais je dis çà, je dis rien…). Un jour, le fils d’un des centurions de la Neuvième entend dire que l’Aigle de la légion a été vue dans un temple tribalo-païen. Ni une, ni deux, il s’en va, avec son esclave et son couteau pour poutrer du Picte et rendre à César blablabla…

Et s’en est fini de mon résumé parce que je ne vais pas, pour une fois, tomber dans les mêmes travers que ce film qui a des qualités, mais reste sérieusement handicapé par une introduction terriblement longue qui donne envie de crier : « abrège ! » toutes les cinq minutes.

Après avoir passé facile 7 heures à voir le centurion se battre puis se soigner, puis retomber malade alors se resoign….Zzzzzzzz… Hein ? IL EST ENCORE A GLANDER DANS LA VILLA ???
Manque sévère de concision ici, alors que tout le film n’est tendu que vers une seule chose, la traque de l’aigle.

Manque de rythme, mais aussi manque d’unité dans le ton, qui oscille sans cesse entre survival brutal, thriller barbare et série B moisie genre « Le Roi Arthur », ou l’innénarable « Centurion ».
Qu’on se rassure, ce film ci est nettement supérieur à cette infâme chose qui déshonora à jamais la mémoire des légions de Rome et celle des Pictes au passage (Olga Kurylenko ? Sérieux ???).

Déjà, il y a un travail évident apporté à l’aspect du film, sur sa lumière, même si là encore, cela reste un peu inégal (entre autre deux trois contrejours foireux).
Un travail qui s’attache aussi à filmer le deuxième siècle comme on filmera le nôtre, en s’attachant à un certain réalisme. Le résultat est une reconstitution crédible, qui fait sentir le soin apporté pour recréer l’univers de cette Bretagne antique, devant alors un décor et pas une intention (ce qui permet de s’affranchir rapidement des contraintes du genre).
Ce qui m’a fait regretter aussi le peu de temps passer au-delà du Mur d’Hadrien, comparativement à tout ce que l’on aura dû se fader avant, je pense en particulier à la longue convalescence qui s’étire jusqu’à plus soif (tous les films ont besoin d’un montage pourtant, c’est connu. Ben c’est là qu’il fallait en mettre un.).

Surtout après que j’ai vu les Seals (non, pas ceux du « Bam ! Headshot »…) dont le look était tout simplement à tomber. Un regret quand même (bah oui, sinon, çà ne serait pas vraiment mon blog), que seuls les guerriers aient du droit aux iroquoises, aux os et aux peintures.
C’était la première fois que je voyais des tribus protohistoriques représentées de cette façon, avec des coiffures de punk, un code vestimentaire, une organisation sociale bien visible, et, pour couronner le tout, une super cérémonie chamanique avec Cernunnos en guest star.
Oh, certes, certes, on pourrait aussi dire que l’ambiance empruntait beaucoup au « Treizième Guerrier », mais la référence me faisant chaud au cœur, je laisse passer et me contente de dire que non, ils étaient très bien, ces Pictes de la tribu Seal.

Gros bémol, l’action est filmée n’importe comment. Je ne comprenais jamais qui était où et faisait quoi, c’est très agaçant. Et là, contrairement à « Detective Dee », même en étant super attentive, rien à faire, Kevin Mc Donald faisait tout pour m’empêcher de suivre.

Et ce n’est pas la seule tare de sa réalisation, manquant d’ampleur, jusqu’à anesthésier le côté épique qu’il tente d’insuffler dans les scènes tournant autour de l’aigle, dont l’iconisation a été à mon sens ratée, supprimant de fait un degré de lecture dans le film, qui n’en devient alors « qu’une » allégorie.
En matière épique, le point d’orgue, sans trop spoil, la scène où l’on voit le personnage de Mark Strong (attention, Mark, si tu commences à accepter des rôles à moumoute, voilà ce qui pourrait t’arriver) se ramener en majesté ne prenait absolument pas. En grande partie parce que c’était un passage farci d’incohérences, mais aussi parce que rien n’avait finalement été fait depuis le début dans ce film pour signifier l’attachement à ce symbole.
Rien, car les pauvres répliques déclamées par Channing Tatum (mais c’est qui, sérieux ?) sans le plus petit début de conviction dans le regard ou l’attitude n’aidaient clairement pas dans ce sens.

A contrario, Jamie Bell continue de bouffer pépère la pellicule, merci pour lui. Par contre, il a un doubleur français qu’il faut d’urgence arrêter pour délit de voix qui ne va pas du tout avec le charisme naturel de l’acteur.

En fin de billet, je vous mettrai un lien vers la bande annonce du film, comme çà vous pourrez vous aussi jouer à « mais où qu’il est Tahar Rahim ? ». Oui, Tahar Rahim est bien présent dans ce film où un directeur de casting naturellement drôle a préféré lui donner un rôle quasi muet plutôt que celui du centurion qu’il aurait sans nul doute mieux tenu que… Mince, c’est quoi son nom déjà ?

Choix de casting curieux, ou pas, car sans nul doute motivé par le discours sous (sur ?) jacent du film, traitant du choc des cultures, de l’inversion des symboles, des valeurs, des processus qui font d’un héros un bourreau et vice versa, tout dépendant « de quel côté pointe le doigt accusateur » (ici c’est un blog de qualité, on cite du Glen Cook).
De ce point de vue, on comprend alors rapidement le choix de Mc Donald de s’affranchir des règles de péplum, en racontant simplement une histoire, sans s’ennuyer avec des codes, et en faisant coller sa caméra au quotidien de ses personnages pour mieux les suivre dans leurs affres respectifs.
En ce sens, « The Eagle » réussit sa mission, peut-être même un peu trop bien, devenant si limpide dans le sous-texte que ce dernier occulte le premier degré de métrage, à savoir l’épopée d’Aquila en terres sauvages.

Dans ses intentions premières et son choix d’époque, « The Eagle » est à rapprocher d’ « Agora », bien qu’il échoue à proposer autant de niveaux de lecture. D’ailleurs, il n’est pas très sport de ma part de mettre ces deux films dos à dos tant les ambitions sont différentes.

« The Eagle » souffre de problèmes de rythme comme d’une absence de ton bien défini, mais dans son traitement à hauteur d’homme et son propos allégorique, réussit là où je ne l’attendais pas.

Note : ** (mais j’attends encore MON grand film romains vs barbares. Toujours personne ne semble vouloir se dévouer pour le réaliser…)

PS : Et donc, le trailer, enfin, le lien, quoi…

Un commentaire Ajoutez les votres
  1. Vas-y Graal, lâches-toi, fais rugir le lion !!! ^^

    Tant que j’y suis, question pour les professionnels de l’armée romaine et je sais qu’il en passe ici : aquilifer et centurion, c’est compatible ? Genre centurion est un grade et aquilifer une distinction ? Je demande parce que selon toute vraisemblance, dans ce film, Aquila senior est aquilifer, mais tout le monde n’en parle que comme d’un centurion. Or, pour ce que m’en disaient mes vieux souvenirs (et une petite vérification avant d’écrire tout çà), aquilifer, dans la hiérarchie, c’est juste en dessous de centurion… Donc ma question : peut-on tout de même être les deux ou est-ce trop difficile de donner des ordres tout en transbahutant un gros Mc Guffin de 50 kilos (lequel peut pourtant se révéler efficace sur la tête du légionnaire récalcitrant, mais je m’égare) ?

  2. Bon ça donne envie d’y aller, j’ai lu quelque part (je ne sais plus où) que les Pictes faisaient penser aux Schtroumpfs mais apparemment tu ne les vois pas ainsi, tant mieux. Pour le pauvre Nicolas Cage, décidément il a des yeux de merlan frit.

  3. Chez certains critiques ciné, dès qu’un personnage est bleu, çà leur fait penser aux Schtroumpfs. On sent bien le traumatisme d’enfance non résolu (battu ou mordu par un Schtroumpf, ou par un gendarme, d’où leur phobie de la couleur bleue)…
    Si tu retrouves le génie qui a pondu çà, par contre, tu m’intéresses, je pense qu’il pourrait remplacer Aurélien Ferenczi dans mon cœur…

  4. Vu et trouvé plutôt bien. Pour ne pas te faire peine le critique en question dont je n’arrive plus à trouer le lien les comparait aussi aux Naavis, sur le seul critère de la couleur, tu vois le niveau. Vendredi dernier mes fous de chez « Bones » faisaient la queue sur le trottoir pour aller voir « Avatar » en étant bien sûr incompris du reste de l’équipe, très drôle par moment.

  5. Oui, je suis tombée sur cet épisode, en zappant, mais c’était encore mieux que d’aller à l’avant première d’Avatar en fait, ils y allaient, invités par leur nouveau collègue, qui était joué par l’acteur incarnant Norman dans « Avatar », justement. Sans doute le nouvel assistant jetable du moment.

    Je vais activement rechercher cette critique de « L’Aigle », que je sens déjà grandiose, ceci dit.

  6. Dernier message d’ici , « l’arbre de vie » est en avant première dans un ou deux cinés ce weekend.

  7. Après consultation auprès d’un éminent spécialiste de l’armée romaine (pas Yann le Bohec mais il l’a vu en vrai, lui a parlé et tout et tout, ça pose le personnage), il semble bien que l’on puisse être centurion et aquilifer, successivement et vice-versa, mais pas en même temps.

    Voilà, c’était la minute culturelle due à cet éminent spécialiste de l’armée romaine, appelé aussi « quoi, tu veux te battres? »

  8. Ok, donc si je comprends bien, quand on est aquilifer, on ne peut pas se faire appeler centurion, vu que l’on ne peut pas être les deux en même temps…
    Aaaah, damned, ce film nous raconterait-il de gros crack ? Utiliserait-on le terme de centurion pour désigner un gradé de peur de perdre le public si on venait à lui sortir un grade un peu moins connu ?

    C’est fin con, si je peux me permettre, parce que mettre en avant le fait qu’il existe dans l’armée romaine un grade pour celui qui a l’honneur de porter et de défendre sur sa vie l’aigle d’une légion, çà accentuait encore l’importance du symbole en question. Décidément, y’a eu un truc de raté à ce niveau dans le film. Encore une fois dommage, parce qu’il était tout de même bien sympa sur les bords.

  9. Bonjour, je viens de voir le film.
    Je souhaite juste dire que je trouve les pictes plutot réussis. Je garde d’eux l’idée de l’origine des orques si chers à Tolkien et ça influence sans doute ma vision d’eux …
    Mais je me permet d’intervenir ici car je me pose une grave question existentielle : Mais que dit le chamane Picte avant de mourire et que l’esclave refuse à plusieurs reprise de traduire ?
    Avez vous la réponse ? Ma connaissance du language picte est trop limitée pour que je puisse comprendre :p

  10. L’eau ayant coulé dans les aqueducs, je crois me souvenir qu’il dit à Aquila que son père est mort comme une fiote, ou autre terme approchant (le Picte est subtil et délicat). Esca refuse de traduire parce qu’il a sans doute peur de heurter les sentiments de son maître.
    Après, je n’ai jamais fait picte, en quatrième j’ai choisi burgonde LV 2….

  11. De Battre mon cœur s’est arrêté.. Ben Laden.. J’espère que j’ai bien compris et que ce rapprochement est en effet de l’ironie. Sinon je m’inquiète pour toi !
    De plus, quelqu’un saurait qui est la voix française de Tatum dans ce film ? Impossible à trouver !

  12. Parfois, les billets peuvent être liés à l’actualité, ici, le truc a du être rédigé quelques jours après la mort de Ben Laden (cf la date de publication), ceci explique donc cela :p

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