Alea Jacta Est : Rome, saison 2.

Je vous ai déjà dis que HBO était une vraie Mecque télévisuelle ? Alors je le refais. Mine de rien, la petite chaîne aura commis ces dernières années : Oz, Les Sopranos, Six Feet Under, Sex and the City, Dead Wood et l’objet de notre attention ici, Rome.

Le principe de cette série est simple : un maximum de réalisme, une immersion totale dans les dernières années de la République romaine, vues par les regards croisés des acteurs historiques et d’illustres inconnus pas si ballottés par l’Histoire que cela.

La saison 2 reprend quelques minutes après l’assassinat de César dont le corps n’a même pas eu le temps de refroidir sur le marbre du Sénat que déjà Marc Antoine fomente un plan pour tirer ses marrons du feu, tandis que Brutus et ses comparses savourent leur succès dans une insouciance crasse.
Pour Vorenus, qui affronte la mort de Niobé, l’univers s’écroule pendant que Pullo construit tout doucement le sien…

Pour bien comprendre le grand n’importe quoi caractérisant cette ultime saison, il faut d’abord savoir que « Rome » fut pour HBO une production (coproduction en réalité, la BBC étant partie prenante dans la série, d’où un casting très britannique) particulièrement onéreuse. Décors, costumes, batailles grandioses… Bref, tout cela était sans doute trop pour la chaîne privée, d’autant que « Rome » n’est pas aussi accessible que « Les Sopranos » ou « Six Feet… » qui malgré leurs audaces, faisaient naviguer le téléspectateur dans son propre monde. Rome est un succès certes, mais un succès d’estime, n’emportant pas d’adhésion massive du public, déstabilisé par l’immersion brutale dans un univers païen aux valeurs radicalement différentes des nôtres.

La saison 2 est donc non seulement la dernière, mais en plus tronquée d’une bonne moitié, cantonnée à 10 épisodes pour aller des Ides de Mars aux lendemains de la bataille d’Actium (soit 13 ans)…
La première partie prend suffisamment son temps pour installer personnages et intrigues, expliquer les tenants et les aboutissants des cadres dans lesquels évoluent les personnages (le collège de l’Aventin, la longue ascension d’Octave…).

On retrouve un couple Vorenus/Pullo totalement inversé par la prise de responsabilité de second face au naufrage du premier, on assiste à la conclusion du duel à mort Atia vs Servilia (parfaitement bien amenée d’ailleurs), on découvre presque un nouveau personnage en la personne d’un Octave adulte à vous en filer des cauchemars la nuit, Marc Antoine est égal à lui-même, Cicéron retourne toujours aussi bien sa toge…

Mais arrivent les derniers épisodes, bâclés et incomplets, où l’on sent toujours la volonté d’aller au plus court (dommageable dans une série qui savait prendre son temps). Sont ainsi occultées quelques années après le départ d’Antoine en Egypte, et donc la quasi-totalité de son histoire avec Cléopâtre, reine des cagoles dans son palais d’opérette (une pure horreur, incompréhensible de la part d’une série d’une telle qualité), qui devient donc incompréhensible.

Le changement dans le caractère d’Antoine, la profondeur de Cléopâtre, leurs ambitions, leurs forces, tout cela n’est qu’esquissé vaguement, mais avec talent (ce qui fait amèrement regretté ces développements avortés et l’abjecte reconstitution de l’Alexandrie lagide), le tout laissant un goût de trop peu. Cela dit, vu l’exécrable traitement de la cour égyptienne, peut être peut on se sentir soulager de ne pas en avoir eu plus.

De même, sur les dernières minutes, sont expédiés les destins de Pullo et Vorenus, qui méritaient tout de même mieux que cela.

Déception donc, atténuée par Atia, un des personnages les plus emblématiques de la série, qui aurait sans doute été plus à son aise dans la peau d’un homme et qui donne une très belle conclusion à la série, devenant l’incarnation de Rome et de la République : attaquée mais jamais vaincue, capable de survivre à tout, mais désormais privée de la maîtrise de son destin. Les dés sont jetés, Octave a désormais la main…

Note : ***

PS : HBO devrait lancer sous peu d’adaptation du « Trône de fer » de G.R. Martin. Eheheheh (*se frotte les mains*)….

Un commentaire Ajoutez les votres
  1. En effet, grandiose série (je n’ai pas encore vu les quatre derniers épisodes de la saison 2, et ce que tu en dis me déçois des producteurs de la série) et je suis d’accord toi notamment quant à ce qu’est devenue Cléopâtre : déception immense ! Et je trouve que c’est Atia qui remporte les lauriers sur tous les autres personnages, et au contraire de toi, je pense qu’elle n’aurait jamais voulu être quelqu’un d’autre qu’une femme…

  2. En fait, Atia me fait beaucoup penser à un personnage du « Trône de Fer  » (future série HBO d’ailleurs… eheheh), Cersei.Et la Cersei, justement, comme Atia, utilise toutes les armes à sa dispostion dans un monde d’homme pour tirer son épingle du jeu, survivre et accéder au premier rang. C’est une femme jusqu’au bout des ongles, mais elle sent bien que sa nature la limite dans ses ambitions (de plus, elle exprime clairement regretter de ne pas être née homme pour être plus libre et exercer un pouvoir plein et légitime).
    Atia, à la fin, se retrouve pieds et poings liés, et la connaissant, je la verrais volontiers préférer être un homme, pour les même raisons que ma Cersei.

  3. Maintenant que j’ai vu les quatre derniers épisodes, je comprends mieux ce que tu voulais dire, et j’abonde tout à fait dans ton sens. Elle finirait presque par faire pitié, devant son « 1er citoyen » de fils à « l’âme pourrie ». Tant de monstruosité derrière ce visage angélique, ça en fait froid dans le dos…

  4. Angélique ???

    Il me fait froid dans le dos, le Octave… Saloperie… Je ne l’ai jamais beaucoup aimé le gugus (et pourtant, dans le milieu des « antiquistes », c’est tout juste si les profs de romaine ne se baladent pas avec  des T-Shirt : »August is Great »), mais maintenant, c’est clair, je ne peux plus le voir. Voilà l’influence pernicieuse des médias sur les gens. M’en fous, j’ai toujours été plus Cléopâtre et Marc Antoine moi : totalement à côté de leurs pompes, mais quel panache…

  5. Angélique, oui. Il est quand même beau gosse, non ?
    Quant au panache, Marc Antoine, oui, assurément, mais Cléopâtre, trop calculatrice, je trouve, pour mériter un tel épithète.

  6. Je remets totalement en cause la beaugossitude d’Octave. Nan, nan, nan. Il fait juste peur ce type…

    Sinon, Cléopâtre, calculatrice ? Encore heureux ! Qui ne l’est pas lorsqu’il dirige un état ? Et je maintiens qu’il y a du panache chez elle (la Cléopâtre historique, pas celle de la série, encore que… Sur la fin…), dans ses ambitions démesurées, ses audaces incroyables (je rapelle qu’elle est d’origine macédonienne et vit dans le monde grec, à savoir ce qui se fait de plus machiste dans l’Antiquité. Par conséquent, être souveraine et avoir tant marqué son temps, pour l’époque, reste un exploit en soit), et son rêve de devenir le nouvel Alexandre. Et puis oui, c’est bien son panache qui a forgé sa légende. Quelle sortie, tout de même…

  7. Ah ! la Cléopâtre « historique » ! là oui, d’accord, c’est clair.
    Quant à celle de la série, elle n’arrive vraiment pas à la cheville de celle incarnée par Liz Taylor. Je n’arrivais pas à m’empêcher de les comparer : y’a vraiment pas photo !

  8. Liz Taylor… Oh non, parle pas de malheur… Non, le « Cléopâtre » de Mankiewkz ne rend pas non plus justice au personnage (celui avec Vivien Leigh, en revanche, totalement foutraque question réalisation et décors, donne plus de facettes à l’héroïne), enfin, çà n’engage que moi… Mais Rex Harrisson est un très bon César, je trouve ( en même temps, c’est Rex Harrisson… Il peut difficilement être mauvais).

  9. Octave serait donc un Joffrey intelligent ? Bigre.

    (les profs d’histoire latinistes sont des collabos dans l’âme. Vive Vercingétorix et fuck les Eduens !)

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