Emo kitty

L’autre jour, j’étais dans mon supermarché Personne de Grande Taille Maison de Jeu à zoner entre mes deux rayons préférés, à savoir les rayons fromages et yaourts, mais pas parce que les produits laitiers sont mes amis pour la vie, loin de là, vu qu’en personne bien informée toussa, je sais que le lait de vache c’est de la daube pour le corps humain, n’en déplaise le PUISSANT lobby des trayeuses automatiques.
La raison de ma passion pour ces rayons tient à 1) mon amour immodéré pour le fromage, 2) mon goût étrange pour les beaux emballages de yaourt. Sans rire, vous avez vu comme c’est beau un rayon yaourt ? Y’a de la couleur, plein de formes différentes, de la recherche graphique et puis si tu furètes bien, tu peux tomber sur des perles comme le banoffee, que les lèvres de ma reconnaissance embrassent le front glorieux des Etats-Unis pour cette invention magnifique, consistant en un dessert à base de banane et de caramel (le -offee c’est pour « toffee » et pas « coffee ». Je précise avant que vous ne fassiez un procès d’intention odieux à ce brave dessert au prétexte que « ouinouin j’aime pas le café !« ).
C’est comme ça que je tombai nez à nez avec un pot de faisselle, un dessert qui peut être certes rendu sympa avec du miel et des noix, ou avec de bonnes myrtilles (l’impératrice des baies au subtil goût poivré), mais qui, comme me l’a dit une fois une amie, reste « le dessert des losers. Sérieusement, rien que le nom déjà : faisselle…« 
Et alors que je regardais cette faisselle, son absence de saveur et de personnalité, je me suis mise à penser à Léa Seydoux, ce qui m’a fait me souvenir que j’avais un billet à écrire sur « La Belle et la Bête ». Je quittai alors précipitamment le supermarché, non sans un rapide détour par le rayon fromage pour me saisir d’un gormas, un super truc qui consiste à composer un fake fromage en alternant des bandes de gorgonzola et de mascarpone.


Ouais, j’en mange de ces trucs…

J’ai assez récemment abordé le sujet du cinéma de genre de France à l’occasion de la sortie de « Mea Culpa » que vous êtes tous bien entendu allé voir (si la réponse est non, allez donc vous noyer dans des lacs de sang impur).

Dans cette niche assez mésestimée, existent quelques réalisateurs tirant plus ou moins bien leur épingle du jeu et malheureusement, Christophe Gans, réalisateur de « La Belle et la Bête », fait partie de la deuxième catégorie, celle qui échoue toujours à « ça » de sortir un grand film populaire capable de faire l’unanimité.

Méchante que je suis, car j’omets le toujours agréable et réjouissant « Pacte des Loups », le film qui fit gagner ses lettres de noblesses à Gans, par la suite débauché aux Etats-Unis pour s’attaquer à un projet tout aussi ambitieux et fondamentalement plus casse-gueule encore : l’adaptation de jeu vidéo.

Tremblez, mortels, car cet exercice de style reste le plus périlleux qui soit, et nombre d’esthètes aux imaginaires et aux capacités délirantes s’y sont cassés les dents de devant.


Ceci est une démonstration par l’absurde.

Or, Christophe Gans peut encore aujourd’hui se vanter d’avoir accouché d’une des meilleures adaptations de jeu vidéo existante, puisque honnêtement, son « Silent Hill » est à la fois une restitution honorable de l’esprit du jeu et un film de cinéma qui se tient tout seul. Malgré le walking spoiler Sean Bean qu’on se demande ce qu’il fait là, à part attendre la mort pendant que le reste du film continue d’être flippant et intéressant, tout ça pour ne même pas mourir à la fin d’ailleurs, merci, vraiment, hein…

Ainsi, à voir le CV de Christophe Gans, on peut légitimement espérer que son prochain film soit un grand spectacle d’ambiance maîtrisé réunissant les qualités d’une œuvre populaire. Si «Silent Hill » reste un film au public forcément plus confidentiel, « Le Pacte des Loups » avait en lui tout ce qui faisait jadis naguère autrefois le cinéma populaire français : une production de qualité, du grand spectacle, un réemploi de mythe national, et surtout, un grosse dose de fun injectée à l’ensemble qui permettait de passer un bon moment.

Sauf que entre « Silent Hill » et « La Belle et la Bête », Christophe Gans a erré dans les limbes du developement hell, trainant comme un boulet son projet fou d’adapter « Fantomas ».

Ouais, voilà. Le mec qui arrive avec une banane comme ça et te balance « mon rêve c’est de refaire un « Fantomas », tu ne peux que l’aimer et l’encourager.
Malheureusement, tout l’amour du monde pour cette idée de fou ne suffit pas. Donc, en guise de lot de consolation, on lui a proposé de se coller à un autre projet bien sympa, comprendre une nouvelle adaptation de « La Belle et la Bête ».

Et là encore, sur le papier, rien ne laissait supposer que cela finirait aussi mal. Christophe Gans a démontré son amour du cinéma populaire sur « Le Pacte des Loups », ainsi que son savoir-faire.
De plus, un sujet aussi riche entre les pattes d’un homme qui comprend si bien le potentiel du cinéma, ça ne peut faire que des étincelles.

Car l’une des plus grandes qualités de Gans c’est bien sa façon de parler du cinéma. Non seulement le type est très agréable à écouter, mais en plus son propos est-il toujours pertinent. Ses analyses du cinéma de James Cameron sont clairement parmi les meilleures.
Christophe Gans comprend le pouvoir de son medium, et se montre capable d’en disséquer les mécaniques avec une grande acuité, pour mieux mettre au jour l’architecture d’ensemble qui sous tend la magie. Bref, il connaît la recette de la mayonnaise. Simplement, il ne sait pas trop la faire.

On peut dire tout le mal que l’on veut de « La Belle et la Bête », rien ne peut lui enlever ses indéniables qualités esthétiques.
On comprend très vite en regardant ce film combien Christophe Gans a pigé l’importance du discours symbolique dès lors qu’il s’agit d’adapter un conte. Il utilise avec beaucoup de pertinence l’image symbole, jusque dans le jeu des couleurs, pour faire ressurgir le caractère éducatif du conte et le traduire par un simple plan.

On a déjà eu l’occasion de causer des contes mettant en scène de jeunes héroïnes dans le billet sur « La Reine des Neiges » mais on va devoir refaire un détour sur le sujet pour bien voir comment Christophe Gans a parfaitement saisi le cœur de son projet, sans pour autant réussir le reste.

Les contes « féminins » (pour faire plus simple, hop) recyclent en diverses variations le même schéma narratif : l’héroïne doit quitter le monde rassurant de l’enfance pour entrer dans l’âge adulte.
Traduisez : puberté/gros bordel/ « je pensais que ça serait plus… féérique » © Sansa Stark/hormones au taquet/garçons/peur du loup/copulage/FIN.

« La Belle et la Bête », dans sa structure même, nous raconte cette même histoire : une jeune fille doit se rendre dans la demeure d’une Bête monstrueuse pour sauver la vie de son père. A mesure que le temps passe, elle découvre l’humain qui se cache derrière le monstre et son amour finit par lever la malédiction qui pesait sur lui.

Ayant un rôle éducatif, ce conte rend compte du chemin que la femme devra parcourir de l’enfance à l’âge adulte. Belle se rend chez la Bête pour sauver son père (très clairement identifié comme étant le premier homme de sa vie), ce qui est une métaphore assez explicite (limite, à ce niveau là, ce n’est même plus de la métaphore) du mariage. Mais comme toutes les jeunes filles, le mâle les effraie. On la confronte donc à la virilité dans sa forme la plus bestiale possible, derrière laquelle se cache pourtant un être tout à fait fréquentable une fois rasé : l’homme. Et de l’acceptation de la virilité dans sa vie de femme, peut naître alors une harmonie entre principe masculin et féminin symbolisée par « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ».

Christophe Gans ayant pleinement conscience de ce contenu qui fait toute la sève du récit, va donc le traduire à l’écran. Il y a premièrement une amorce explicite de la thématique lors d’un dialogue avec son père qui lui dit « toi aussi un jour tu devras quitter la maison. Ça ne voudra pas dire que l’on ne s’aimera plus. Simplement tu auras grandi, tu seras devenue une femme ». Un simple dialogue qui traduit clairement l’état psychologique de Belle, encore attachée à l’enfance, mais percevant déjà les prémices du changement.
On a surtout la scène où Belle se rend pour la première fois au château de la Bête. Son cheval doit lui faire traverser un genre de roncier qui la blesse (ma connaissance des arbres se limite à « avec feuilles » ou « avec aiguilles ») qui les mène vers l’étroit défilé ouvrant sur la vallée cachée.

Ai-je vraiment besoin de vous faire un dessin ? Dans le genre, c’est tout aussi explicite que la scène du « Labyrinthe de Pan » où Ophelia entre dans l’arbre.
Ici, idem : Belle traverse l’étroit passage qui la mène à son « époux », en saignant. Et le plan où elle se précipite vers la fin du défilé dans un grand flash de lumière blanche conclut logiquement cette scène.
Un peu plus tard, alors qu’elle est tentée de toucher sa première robe, Belle réalise que ses mains sont couvertes de sang et part se les laver. L’eau magique de la source va alors refermer ses plaies, ce qui lui permet de passer alors cette fameuse robe, blanche et virginale, pour un premier dîner qui marque de début d’une vie conjugale où il ne sera alors plus question que d’apprivoiser l’autre.

Après une première expérience consentie mais traumatique, Belle est donc entrée dans l’état de femme mais devra encore accepter, avec le temps, de côtoyer cet homme qu’elle perçoit comme monstrueux.

On joue beaucoup dans le film avec la symbolique des couleurs, en faisant porter à Belle une robe bleue le soir où elle a son premier moment d’apaisement avec la Bête, par exemple, ou en l’affublant d’une robe rouge vif lorsqu’elle revient parmi les siens, traduisant ainsi son statut d’épouse, d’amoureuse (elle prend conscience de ses sentiments dans cette robe dont la couleur est symbole de passion) mais aussi le violent dénouement à venir.

Là où je suis en revanche plus réservée, c’est lorsque Gans fait des bonds entre l’implicite et l’explicite.
Non seulement ceux-ci sont-ils superflus, mais font-ils surgir sur le devant de la scène des discours qui semblent sortir de nulle part.
Exemple tout simple : Belle vient d’arriver au château et croit qu’elle va être sacrifiée par la Bête. Mais finalement, cette dernière lui explique qu’elle va l’épargner et qu’elle lui tiendra compagnie tous les soirs pour le dîner. Soudain, là comme ça, pouf, tous les deux se mettent à dégoiser sur le fait que la Bête, elle trouve la Belle bien charmante, tavu, t’as un 06, wesh ?
Sur la vie de ma mère t’es trop un bledard, TMTC, je me taperais trop l’affiche avec toi tavu, jamais j’accepte de sortir avec toi !
La vérité, Belle, comment tu me fais trop de la peine, mais t’inquiète, poupée, je te donne deux jours pour succomber à mon charme torride de Grumpy Cat.

D’où ça sort ? Pourquoi tout d’un coup on entend ces personnages évoquer un jeu de séduction alors que tout l’argument devrait tenir sur une fascination réciproque ? La Belle est pure, innocente et bonne (dans le sens de sa bonté, bande de gros malins) tandis que la Bête est monstrueuse, égoïste, et dangereuse. L’une et l’autre se regardent comme des contraires qui vont immanquablement s’attirer.
Alors pourquoi bon sang de bois, nous coller un dialogue « Je t’aurai un jour ! Je t’aurai ! » balancé entre la poire et le fromage ???

Mais je chipote, je chipote, et je n’en suis même pas encore arrivée au moment où je vais basher le film. Alors restons positif.

On sent d’un bout à l’autre du film l’ambition de Christophe Gans qui rêve visiblement d’un grand film de genre français et dote sa production des oripeaux qui vont bien. Tel un Ridley Scott, il remplit consciencieusement ses cadres, développe une vision riche et enthousiasmante en faisant évoluer ses personnages dans des décors somptueux, de la masure où Belle et sa famille viennent vivre au domaine de la Bête, aussi magnifique qu’il est inquiétant, littéralement habité de l’esprit de sa défunte épouse dont la présente est perceptible partout, au travers de ces roses qui composent littéralement les gammes de couleurs.
Le château, bien que magnifique, est d’ailleurs une petite déception puisque Christophe Gans ne donne jamais à son décor l’occasion d’exister. Un problème récurrent dans ce film qui échoue à donner un quelconque sentiment d’incarnation mais qui se traduit bien dans la manière dont on peut résumer ce bâtiment gigantesque à : une salle à manger, une salle de bal, la chambre.
C’est un peu court, jeune homme.

Mais où, entre la connaissance du réalisateur de son sujet et la qualité générale de la production, « La Belle et la Bête » s’est elle plantée ?
Tout commence sans doute par la commande, à Christophe Gans, de ce projet d’adaptation. Quand on lui confie les rênes de « La Belle et la Bête », Gans est en train de plancher sur une nouvelle version de « Fantomas ».
Pour une fois qu’un studio (Pathé associé ici à Eskwad) décide de se lancer dans du cinéma de genre en France, on ne va pas se plaindre, encore moins quand il choisit pour se faire un réalisateur qui a déjà prouvé son savoir faire en la matière (NDLD, Eskwad, c’était déjà « Le Pacte des Loups »).
En lui collant deux têtes d’affiche bankables à l’international, le film a donc toutes les chances d’avoir une petite carrière sympathique devant lui, d’autant que le cahier des charges en fait un produit assez proche des grosses productions américaines.

Mais comme il n’y a pas de gentil réalisateur vs les méchants producteurs, il ne faut pas non plus chercher trop d’excuses à Gans. Certains metteurs en scène sont tout à fait capables de produire de très bons films avec des contraintes de production très serrées.
Et il faut reconnaître que Gans n’a pas vraiment su tirer son épingle du jeu, malgré toute sa bonne volonté.

Plastiquement, je disais donc que le film a de belles qualités. Christophe Gans se paye même le luxe de très belles scènes, soignant à l’extrême la composition de ses cadres, dans une recherche esthétique constante, réussissant souvent ses images fortes (la tentative d’évasion de Belle est symptomatique de sa capacité à emballer de magnifiques séquences).

Mais à côté de cela, il se montre incapable de générer la moindre empathie entre spectateurs et personnages. Même entre personnages et personnages il reste très difficile à croire à la moindre affection.

Je voudrais aussi passer sur la question au combien accessoire du casting, mais il m’est impossible de faire l’impasse sur Léa Seydoux qui tue le film à grands coups de « je sais pas ce que je fous là ».

Non parce que voilà, à un moment, il faut arrêter de se voiler la face, mauvaise elle est, mauvaise elle restera, peu importe la direction d’acteur (et non, Kechiche n’est pas un grand directeur d’acteur, c’est juste un mec qui fait wattmille prises donc statistiquement, y’a un moment où même Lea Seydoux va sonner juste. Point.). Entre sa diction à la ramasse, ses expressions jamais à propos et puis de toute façon c’est toujours la même, et son port qui globalement lorgne davantage vers la camionneuse que vers la jeune fille de bonne famille (Léa Seydoux porte mal la robe de princesse, t’as dit, ça t’as tout dit sur sa capacité à tenir ce genre de rôle. Désolée. Merde. Des robes comme ça, ça ne se gâche pas !), RIEN, avec des majuscules, ne fonctionne avec cette Belle dont on essaye de nous faire croire qu’elle est une gentille fille, parangon de pureté et de vertu toussa, alors que dès qu’elle se retrouve dans le château avec la Bête, elle se comporte comme une vraie petite peste qui fait rien qu’à se plaindre de son hôte qui lui file des robes de princesse, lui donne à bouffer tant qu’elle veut et a épargné sa vie qu’elle était LIBREMENT venue lui offrir.

Bon, ok, ça c’est surtout le scénario qui n’aide pas. N’en reste pas moins que l’interpréta… bref, Léa Seydoux sur l’écran ne donne rien, n’exprime rien, ne dégage rien qu’une furieuse envie de la baffer.
Le reste est vaguement correct, même André Dussolier et seul Vincent Cassel arrive à s’en tirer plutôt bien, mais bon, Vincent Cassel, je lui donnerais les clés de ma Twingo sans confession donc… Il faut dire qu’il est bien le seul à se donner l’air d’en avoir quelque chose à foutre. Merci bien. On serait confus d’avoir dérangé…
Déjà dans « Le Pacte des Loups », ça coinçait un peu du côté du casting (Samuel Le Bihan et Emilie Dequenne, à côté de leurs pompes tout le temps…), mais là, Gans confirme qu’il n’est pas forcément un grand directeur d’acteur.

Je parlais un peu plus haut du scénario qui patine aussi vite qu’un Brian Boitano sous acide et ce n’est rien de le dire.
Si l’on ne s’ennuie guère, à par un passage à vide dans le début du film et les quelques retours aux petits enfants tête à claque de Belle et Bête à qui Léa Seydoux lit l’histoire en mode « Bonne nuit les petits », on arrive à la fin du film et à cette somptueuse réplique « Beh j’vous aime déjà ! » (j’exagère à peine la diction de Léa Seydoux sur cette phrase) en se demandant : « Et c’est arrivé quand, cette affaire là ? »

Car oui, je veux bien passer sur les tentatives avortées de faire de l’humour avec les sœurs de Belle, je veux bien passer sur l’embrouille chiante du frère qui a des dettes avec le Père Ducasse, mais qu’on vienne me faire croire que si, Belle est tombée amoureuse de Grumpy Cat en 5 scène de deux minutes chacune, pardon… Non.
Non je ne reçois pas les flashbacks comme un argument valable. Les flashbacks restent un des éléments les plus réussis du film, parce que Léa Seydoux n’y joue pas et qu’ils sont bien dosés, apparaissent à bon escient et sont vraiment bien fichus. Mais ils servent avant tout à informer Belle et le spectateur de ce qu’il s’est passé dans le château. Pas à faire tomber Belle amoureuse par procuration.
Surtout pas en voyant comme la Bête se comportait comme un gros con dans ses jeunes années. Sans rire, le gros lourdaud quoi : « Yo princesse, je vais à la chasse, swag. Tactac wesh avec mes potes ! Tavu ma pure arbalète, sur la vie d’ma mère, princesse ! Eh par la barbe de Booba, comment je veux trop te faire un fils, ma parole, wesh ! »

Gros. Con.

Ce qui est peut-être le truc de Belle, ceci dit.

Mais peu importe, rien ne permet au travers de ces flashbacks de comprendre que la petite va tomber amoureuse de la Bête alors faisons donc un point rapide sur le temps qu’ils passent ensemble :

Scène 1 : la rencontre.
La Bête dit à la Belle de s’asseoir, de manger et de mettre les robes de princesse qu’il lui offre. Elle l’aperçoit dans un reflet, et flippe. Normal, un chat de cette taille, c’est super impressionnant.

Scène 2 : « Oh, ta gueule ! »
Belle n’arrête pas de causer alors la Bête commence à regretter que se ne soit pas son père qui soit venu. Sans rire, si c’était André Dussolier qui s’était pointé, la Bête l’aurait-il lui aussi obligé à partager ses repas en robe à crinoline ? La question se pose même si elle n’est pas là.

Scène 3 : Belle chouine que sa famille lui manque et tout (alors que ça fait juste 3 jours qu’elle est partie. Elle devait être drôlement malheureuse en colonies de vacances, la petite), alors elle propose un marché à la Bête : une danse contre une permission de sortie signée par le CEP du collège. Du coup ils dansent, mais à la fin, sans que l’on comprenne pourquoi, Belle met sa tête sur la poitrine de la Bête. LOVER MODE ACTIVATED, la Bête demande à la Belle si, par hasard, elle voudrait pas, là, manger des chocapics. Belle refuse parce qu’il est trop moche.

Scène 4 : vexée que la Bête ait cru, le fou, qu’il pourrait se la pécho, Belle décide d’aller l’espionner dans ses appartements et le surprend, l’horreur, à régurgiter une boule de poil. Elle s’enfuit et manque de se noyer dans le lac. Dommage, la Bête arrive à temps pour la sauver. (note : dans cette scène, la Belle et la Bête, allongés sur la surface du lace gelé manquent de se rouler un gadin venu de nulle part quand soudain, à cause de leur poids, ils « brisent la glace » => symbole, et très belle séquence).

Scène 5 : au réveil de Belle, la Bête lui file le bon de sortie et confesse à la jeune femme que si elle ne revient pas, il en mourra, probablement étouffé dans ses propres poils.

Après, on découvre donc que Belle est amoureuse gnagna, la Bête fait une Richard Cœur de Lion (=carreau d’arbalète dans le buffet), Belle tente de le ressusciter de la façon la plus conne qui soit (= le plonger dans un genre de fontaine de jouvence mais sans lui retirer le corps étranger qui dépasse pourtant de 30 bons centimètres de son abdomen), et puis VINCENT CASSEL MODE ACTIVATED, et fin.

Qui a vu le début d’un commencement de rapprochement, de complicité, d’apprivoisement dans les 5 scènes précédant le dénouement ?
L’écoulement du temps, très rapide, ne permet pas de faire exister ce couple pourtant au centre de tous les enjeux. Il est impossible d’y croire une seule seconde alors même que notre foi doit être à tous les instants sollicitée pour accepter leur affection mutuelle grandissante dans le contexte si particulier qui est le leur.
Concrètement, le schéma ici est : first they meet, then they fight, and then, they fuck.

En l’absence de tout jeu de séduction, on ne peut pas continuer de croire en une histoire essentiellement fondée sur au moins trois niveaux de lecture, sur la nécessaire fascination entre les deux personnages principaux.

Cela contribue malheureusement à appauvrir le final qui malgré une belle ambition de forme, échoue sur le fond à produire la moindre émotion ou le moindre frisson. Même la très belle scène où Belle tente de regagner le château s’effrite au contact du côté WTF « pourquoi veut-elle tant y retourner ? » et du jeu de Léa Seydoux qui déclame alors son amour comme on commande un kebab.

Un élément également gênant dans le film reste la présence bizarre de ces petites créatures hideuses et inutiles que sont les tadums.
Premièrement, les tadums (prononcez « tadoms » et ne me demandez pas d’où vient ce nom bizarre) ont été à la source d’une hallucination auditive assez déroutante : « Le soir venu, Belle regagna sa chambre, où l’attendaient les tadums » Sauf que j’avais compris « tas d’hommes ». Il a fallu que l’on voit les petites bestioles jouer sur le lit dans la scène suivante pour qu’enfin je pige de quoi on parlait (j’étais un peu inquiète pour Belle, je l’avoue).
Bon, les tadums, outre leur nom bizarre, ont un rôle dans le récit totalement indéterminé. On nous les présente via la voix off comme « les meilleurs amis de Belle ». Belle qui a passé quoi… trois jours dans le château… Bon, après, on parle de la fille qui est tombée amoureuse de Big Foot en 15 minutes dont 10 passées à se bouffer le nez. Donc amie pour la vie avec une troupe de petites bêtes qui passe son temps à se cacher, pourquoi pas, on n’est plus à ça près.

Ensuite, ils n’auront jamais la moindre utilité dans le récit. On comprendra par la suite qu’il s’agit en fait des chiens de meute de la Bête, avec lesquels il débusqua la biche dorée, qui n’était autre que sa propre femme. Pour châtiment, les chiens furent donc transformés en … chiens plus petits, oui, voilà… Des petits chiens.
Hmmm…
Malgré tout, on peut toujours se dire « ils sont nombreux, ils serviront bien à un truc à un moment où un autre ! » . Même dans « Raiponce », le caméléon tuait Gothel en la faisant se prendre les pieds dans les cheveux de sa fille.
Mais ici non. Les tadums se contentent de suivre Belle partout en couinant comme de fans de One Direction et ne branlent rien de leur journée. Des petits chiens ou des chats en fait, soudain j’hésite…

Finalement, les tadums et leur présence anecdotique cristallisent bien le problème au centre du film, qui reste le manque de vie, et d’âme entre les personnages.
Le regret reste de donc d’avoir à contempler un film qui satisfait en tout point l’œil mais échoue à être autre chose qu’un emballage sublime pour un récit finalement assez terne.
Heureusement que Gans évite, par sa compréhension du caractère éducatif du conte, de sombrer dans le vide total, en prenant à bras le corps la charge symbolique consubstantielle du genre.
Au final, sur un registre similaire, « La Reine des Neiges » de Disney s’avère meilleur, car en visant la même cible (le public familial) et sur une ambiance voisine (l’enchantement, le merveilleux), le film d’animation réussissait à créer cette émotion qui fait cruellement défaut, faisant exister à chaque seconde l’amour entre Anna et Elsa, l’érigeant en fil conducteur du récit lui-même.

Malgré mes grosses réserves, je reste tout de même sur une impression globalement pas si négative que ça (ni positive, d’ailleurs). A défaut d’être vraiment bon, « La Belle et la Bête » propose tout de même un spectacle à la hauteur de son budget (il a coûté aussi cher que « Supercondriaque » de Dany Boon, en apprenant ça, j’étais sur le fondement, je vous prie de me croire) et un film à grand spectacle aussi élégant en France, ne reniant qui plus est jamais son genre, mérite d’être un minimum soutenu pour ce qu’il est dans notre paysage ciné actuel : un OVNI qui a le mérite d’exister.
Certes faible à bien des égards, il reste divertissant et plutôt bien rythmé. Et surtout, on a aux manettes du réalisateur qui s’il ne sait pas incarner un récit en y injectant la dose de viscéralité qui aurait dû l’animer, aime profondément ce qu’il fait et comprend le potentiel de son projet.
Produit comme un film hollywoodien mais sur un budget assez serré (chaque centime a été bien investi et cela se voit sur l’écran), « La Belle et la Bête » mérite tout de même une certaine attention de la part de spectateurs aimant ce type de cinéma. Parce que comme « Le Pacte des Loups », il ne créera sans doute aucun effet d’émulation, même s’il s’avère rentable sur la durée (ce qui risque fort d’arriver) et que ce n’est pas de si tôt que l’on retrouvera ce type de film français.

Note : *

Un commentaire Ajoutez les votres
  1. J’ai été plus méchante que toi quand je l’ai vu….
    j’ai fais la comparaison avec les pubs Lolita Lempicka……
    🙂

  2. Assez déçus pour ma part , par contre je suis partagé si c’est la faute à l’histoire au rythme bancal ou les acteurs qui m’ont fait sortir du trip ( Léa Seydoux , comme beaucoup , tête à claque au possible , la bête qui….Qui….enfin voila quoi Oo limite OSEF grumpy cat ). Petite déception aussi pour les décors mais j’avais ptet encore trop l »imagerie du Disney en tête ( j’ai eu une impression de trop peu en fait ). Bref déception….

    ….Y’avait du cheese cake au rayon dessert au fait ? ^^

  3. Et désolé pour le double post , mais purée surtout parfois TROP SOMBRE bordel , je sais pas si c’était le ciné mais limite certaine scène on voyait que dalle 🙁

  4. @ ILDM : y’a toujours du cheesecake dans le rayon ! Le cheesecake est ce qui maintient la galaxie en un tout unique.
    J’ai pas eu la sensation de trop sombre par contre, du coup ça venait peut-être du cinéma.
    Sur l’esthétique, on lorgne en effet sur quelque chose qui se veut familial (cf les tentatives d’humour) et qui cherche à susciter l’émerveillement. Du coup, et ce même si j’ai volontairement évité toute comparaison (stérile) avec le film de Cocteau, ce dernier reste largement supérieur en terme d’ambiance.
    Et il faudrait que je revois le Disney dont je ne me souviens absolument pas (je crois l’avoir vu une seule fois en salle à sa sortie et il ne m’a pas franchement marquée).

  5. Je te trouve un peu dure avec Samuel et Emilie. Certes ils ne valent pas Vincent (mais qui peut…) mais ils sont quand même wattmilles fois meilleurs que Léa Seydoux (et merci pour confirmer ce que je pense de Kechiche). Par ailleurs, je suis entièrement d’accord avec toi sur les qualités et nombreux défauts du film. Encore une fois ma chronique est à la tienne ce que LA belle et la bête est au pacte des loups. frack 😉

  6. @ Perséphone : Émilie Dequenne est tout de même vachement mauvaise. Mais le capital tête à claque de Léa Seydoux met cette dernière hors de portée des autres mauvaises actrices.
    Et je ne souscris pas à ta comparaison concernant ton billet, qui est très bien (je viens de le lire, en fait).

  7. J’aime particulièrement Christophe Gans car c’est un cinéaste visuel doté d’énormément de talent, chaque transition est réfléchie et originale, les effets visuels sont bluffant bref pour moi c’est quand même du très lourd ce film (malgré je te rejoins la presta décevante de Lea Seydoux)
    Merci pour ton blog !

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