La Légende de Beowulf.

Souvenez vous, il y a quelques années, Robert Zemeckis balançait sur nos écrans avant Noël le « Pôle Express », conte pour enfant à base de train magique envoyant les morveux au royaume enchanté du Père Noël, clown païen usurpateur de Saint-Nicolas.

En soit, rien de bien excitant, sauf que ce film était réalisé entièrement en performance capture, comprenez le procédé qui consiste à enregistrer les mouvements d’un acteur à l’aide de capteurs et à restituer son jeu en coloriant entre les points, tout en donnant au dit acteur une toute autre trogne.
Pour faire simple et facile à comprendre, pensez à Gollum dans le truc en trois épisodes d’un type qu’avait rien compris au film, ni au livre d’ailleurs.

Vous y êtes ?

Angelina vous expliquera mieux que moi et par l’image, comme tout çà fonctionne...

Souvenez vous donc qu’à l’époque, on en avait bouffé du Pôle Express, et « que çà ravira les petits et les grands dans la magie de Noël et la communion de tous les peuples sous les deux espèces, et blablabla… », dans tous les médias, parce que c’était tout de même ‘achement bien, tout cet enchantement des yeux pour en plus profiter d’une super innovation technologique.

Même qu’en plus, grâce à la magie de la science, on pouvait se coltiner un film où un Tom Hanks capteurisé jouait tous les rôles, du petit garçon au chauffeur du train, en passant par le contrôleur, le gréviste de la CGT et le bonhomme en pain d’épice sur l’arbre de Noël.

Et toute la presse de s’esbaudir que c’est beau de rêver tout çà, tout çà…

Voilà donc que trois ans plus tard, Robert Zemeckis récidive avec la performance capture mais en se frottant cette fois à du sérieux. Finis les cotillons, bye bye les chaussettes attachées devant la cheminée, bonjour les muscles, le sang, les monstres et l’un des mythes les plus connus de l’histoire européenne (bah si, après la Table Ronde, la Chanson de Roland, les Nibelungen, la Loreleï et la reprise des cours à Rennes II…).

Sauf que, aux yeux de nombreux, Zemeckis commet une erreur impardonnable : se frotter à l’héroïc fantasy (encore que, je ne classerais pas Beowulf dans cette catégorie, c’est un mythe, je le rappelle, mais je vais essayer de penser quelques secondes comme un critique ciné de la presse nationale…).
Or, chacun le sait, l’héroic fantasy, c’est pour les gamins attardés. Çà ne parle de rien, à part de savates à l’épée le soir au coin des bois, dans des royaumes enchantés pleins de créatures magiques dégoûtantes.
D’ailleurs, hein, Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, c’est bon, on a déjà donné. On en a dit du bien parce qu’on en a eu plein les yeux et puis que franchement, dire du mal de l’adaptation d’un livre que l’on a pas lu (trop long, je suis critique ciné, pas littéraire) mais qui est super côté partout dans le monde, çà ne se fait pas.

Quel dommage….
Oui, parce que par son attitude intransigeante (« le film intéressera surtout les très jeunes », entendu au journal de France 2. Monsieur qui faisait le reportage, si tu étais resté plus longtemps que les deux premières minutes dans la salle, tu aurais compris qu’un gamin de 10 ans n’a pas sa place dans ce type de projection) consistant à dire du mal, ou pire, à ne rien dire de ce qui est l’un des meilleurs films de ces derniers mois, c’est un vrai ratage.
Tout çà parce que film d’animation et fantasy ensemble signifie forcement pour certaines personnes spectacle pour gamin décérébré, voire pire, pour geek (gamin décérébré, asocial, et réfractaire aux films d’auteurs ouzbeks …).


Ami geek, c’est à cela que tu ressembleras si tu continues à ne pas dormir et à te nourir de pizzas…

L’histoire : au Danemark, le roi Hrothgar inaugure à grandes lampées d’hydromel son nouveau grand hall avec tambours et fracas, lorsque surgit une créature monstrueuse, Grendel, qui massacre les participants avant de s’enfuir en épargnant le souverain. Afin de se débarrasser de la créature, Hrothgar fait appel à des héros. L’un d’entre eux, Beowulf, boule de muscles et de suffisance, abat la chose et se lance à la poursuite de la mère du monstre (non, pas Ripley. Celui qui trouve la référence…). Sauf que la mère en question a des arguments là où Beowulf n’a pas de cerveau…


« Je t’offrirai des tas de richesses, le pouvoir, la gloire, l’immortalité, un corps de dieu grec et si tu as sage, t’auras aussi un poney. »

Beowulf (traduisez « loup des abeilles » soit « ours », en saxon) fait partie de ce que l’on appelle les mythes fondateurs. Il nous est parvenu sous la forme du texte le plus ancien connu en langue saxonne, et nous renvoie aux temps pré-chrétien, ou plutôt à ce fameux crépuscule des dieux, en faisant un presque contemporain de Siegfried et de ses Nibelungen alors que les anciennes croyances meurent peu à peu sous les coups d’un christianisme conquérant.

Certes, le choix de la performance capture, donc de l’animation, est déroutant, de prime abord. Jusqu’à ce que l’on comprenne, au bout de cinq minutes, le choix d’un réalisateur qui met la forme au service du fond. Ce procédé, un peu glacé il est vrai, permet des audaces de réalisation que le cinéma classique ne peut encore se permettre.
Les combats contre Grendel sont virtuoses, le vol du dragon délirant (un intense et immense moment de cinéma, pour moi, qui n’avait jamais de ma vie vu un dragon comme cela, à part dans ma tête, et qui ne croyais jamais en voir un tel…Ma-gni-fique. Je veux le même.), les monstres marins (moi, je soupçonne Beowulf de s’être en vrai tout simplement empêtré dans un banc d’esturgeon…), ce plan magnifique allant du grand hall à l’antre de Grendel…

Bref, face à de telles possibilités, on se dit que le procédé de performance capture a encore de beaux jours devant lui. Vivement que l’on voit çà…

Mais revenons en maintenant au fond. Là je dis bravo. Respect de l’œuvre d’origine, profondeur du propos, personnages torturés et faillibles.
Cette humanité des héros est d’ailleurs parfois surprenante, car elle révèle des caractères jamais figés.
Le Beowulf arrogant et fanfaron devient le vieil homme désabusé, la reine triste et soumise devient aigrie et implacable.
Chacun aussi imprévisible que la chose qui vit tapie dans la montagne et dont on ne peut percevoir les intérêts.

Dans « La légende de Beowulf », on assiste à la naissance d’un mythe, de l’exploit au récit qu’en fait le héros, on sonde les faiblesses de l’âme humaine et ses imperfections (qu’on m’explique un jour comme l’autre moustachu peu recommandable a pu faire ses choux gras des grands mythes germaniques…Ils n’ont pas de quoi faire rêver l’aryen de base pourtant…), on entre dans un monde désenchanté par un christianisme tournant le dos aux héros pour exalter les martyrs (la dernière scène offre différents niveaux de lecture à ce sujet, et à d’autres), on découvre des monstres épuisés d’être ce qu’ils sont (Grendel, terriblement touchant, sa mère, désespérément seule, consciente d’être la dernière et prête à tout pour ne pas s’éteindre).

Alors zut… Ce n’est pas parce que personne n’en parle que vous ne devez pas aller le voir. « La Légende de Beowulf » c’est tout simplement le meilleur film d’animation et au passage, le meilleur film d’heroic fantasy de ces dix dernières années (en même temps, y’en a pas eu des tonnes ces dix dernières années, mais je préfère m’y borner, je ne voudrais surtout pas froisser les fans de Conan le Barbare, que j’aime bien, par ailleurs).
Allez y, laissez vous porter, oubliez les étranges visages de la performance capture, ils ne vous gêneront pas longtemps. Et si vraiment vous n’accrochez pas au style, le fond est suffisamment riche pour que chacun y retrouve ses petits.

Note : **** (et non, cette note n’a pas qu’à voir avec le dragon. Y’en aurait pas eu que j’aurais noté pareil. Vous êtes mauvaise langue vous alors !!!)

Ps : je suis partie en croisade contre les critiques ciné. Vous l’aviez remarqué ?

PPS : tu veux faire plaisir à La Dame pour son Noël ? Va sur http://www.figurine-derive.com/feed/tag/beowulf/rss2.

Un commentaire Ajoutez les votres
  1. Et bé, quoi rajouter ? rien, tout pariel. 😉
    Et sinon, Conan le Barbare c’était y a plus de dix ans (années 80, quand tu nous tiens…).

  2. Vi, Conan, c’est même 1982 (merci Allociné !), et c’est justement pour çà que je n’ai pas osé dire « ces vingt dernières années ». Conan c’est le Star Wars de la fantasy : inoubliable, indéboulonnable, cultissime.
    Mais comme je ne veux pas que Crom rit de moi, et me jette hors de Valhala, je n’abstiendrai de toute comparaison entre Beowulf et Conan (qui partagent quelques points communs tout de même).

    N’empêche, une si piètre couverture médiatique… Quel gâchis……….

  3. « N’empêche, une si piètre couverture médiatique… Quel gâchis »
    Je pense les spectateurs ne sont pas encore tout a fait prêt à ce genre de nouveau spectacle, qui s’assimile trop vite, trop facilement aux scènes cinématiques d’un jeu vidéo. A mon avis, ça doit rester en travers de la gorge de quelques puristes…

  4. Vous êtes mignons tous les deux grâce à vous je ne me sentirai plus coupable d’avoir aimé Conan, et j’ai bien envie de me faire Beowulf, tu le reverras avec plaisir ma Dame sans doute. Et au diable les puristes!

  5. « Beowulf » ne passe malheureusement plus nulle part, sauf peut être dans les grandes villes, et encore… Snif, il faudra attendre la sortie en DvD. Euh, sinon, j’en suis toute esbaudie, tu as aimé Conan???? Moi qui croyais que tu considérais ce film comme un navet intersidéral ….

  6. Ben non ma cocotte,et puis j’ai gardé mon âme d’enfant dans mon grand âge et tu sais que je suis bon public. En plus notre ami Shouarzy a toujours un sens de l’auto dérision (moins évident dans ce film car des débuts) que bien des acteurs français se prenant beaucoup trop au sérieux devrait lui envier, n’est-ce-pas une preuve d’intelligence ?

  7.  » non, pas Ripley. Celui qui trouve la référence… « 

    /me éclate le buzz d’un coup de tête rotatif

    Alien 4 !! Boudiou !!

    – Félicitaion vous avez gagné une tringle à rideaux !

    /me exulte \(°0°)/

    Sinon …
    Je ne me prononcerais pas sur la qualité de la critique n’ayant pas vu le film … d’autant que je n’ai pas tellement l’habitude de laisser des traces de mes passages … mais ça me brisait le coeur de voir ce ptit taunt laissé sans réponses. Ce sera donc un simple ptit clin d’oeil amical venant d’un ami de la ptite luciole.

    /vanish

  8. Bienvenu à toi, ami Asmo, et repasse quand tu veux. Si tu aimes jouer, sache que ce blog est farci d’appels de ce genre mais que jamais personne n’y répond. Se sera ta quête désormais, si tu l’acceptes… Sinon, le blog s’autodétruira dans 10…9…8…

     

    Sinon, sinon, « taunt », et surtout « /vanish »…. Serais-tu un de ces vilains fufu sévissant sur MMO?

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